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Histoire d’un survivant de Debaltseve

Pour les lecteurs d’EMPR qui veulent savoir plus sur la façon dont le retrait des troupes ukrainiennes de Debaltseve s’est déroulé. Il y a quelque temps, nous avons publié l’histoire d’un militaire de la Garde Nationale de l’Ukraine. Maintenant, nous vous proposons l’histoire d’un volontaire ukrainien dont l’indicatif d’appel, c’est “Shaman”.

Il y a 30 ans. Il est volontaire. Il a combattu dans la brigade d’infanterie de montagne №128 ( l’armée ukrainienne régulière). Il a défendu la souveraineté de l’Ukraine du 31 août au 19 février. Il est né dans la région d’Ivano-Frankivsk, dans le village de Nivotchyn, faisant partie du district de Bohorodtchansk.

Quand j’étais petit, je me plaignais souvent auprès de ma mère de ne pas être né lors de la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, j’aurais pu aider nos grands-pères à se battre pour notre terre, et à la défendre. Je suis en train de la défendre maintenant.

Quand nous sommes partis pour le front, on nous a distribués de l’iode, des pansements, des armes et des munitions. Nous n’avons pas eu de trousses de secours ni de talkie-walkies modernes. Nous n’avons pas eu de jumelles de vision nocturne ni de caméras thermiques et il était très difficile de continuer à se battre sans avoir tout ça. La nuit, mes oreilles remplaçaient mes yeux et il ne me restait plus qu’à écouter et à essayer de deviner où se trouvait l’ennemi qui me tirait dessus.

Après deux mois de guerre, nous avons bien eu nos jumelles de vision nocturne, les bénévoles nous en avaient apportées.

De toute façon, ce n’est que grâce aux bénévoles que nous pouvons encore nous battre. Ils nous apportent tout : les uniformes, les chaussures, les gilets pare-balles, les casques, la nourriture, l’eau, les tentes. Ils ont également collecté des fonds afin de nous acheter des jumelles et une caméra thermique. Le plus dur à vivre, ce n’était pas l’absence de quelque chose ou bien la présence d’un ennemi à un kilomètre de distance, mais le fait d’avoir derrière nous des personnes que ne nous soutenaient pas. Nous avons partagé notre nourriture avec ces gens-là, nous leur donnions notre pain et, eux, ils nous disaient : pourquoi vous nous donnez du pain pourri ? Et pourtant, c’était du pain que j’ai mangé pendant six mois. Nous partagions tout ce que nous avions. Pourquoi c’est comme ça ? Je ne sais pas. Mais nous sommes des patriotes de notre pays. Pour nous, l’Ukraine est plus importante que tout; Donc, quand nous sommes sur le front, nous ne nous posons pas de question. Nous continuons à défendre notre Patrie.

Après la signature des Accords de Minsk le 14 février 2015, nous avons commencé à retirer nos armements. A ce moment là, nos positions se trouvaient à Debaltzeve ( prés de Kirovsk). En effet, nous devions  être à Debaltzeve pour couvrir le retrait de nos troupes. Сar les boeiviks et les séparatistes n’ont pas ouvert de couloir. Bien au contraire, ils chassaient et fusillaient nos colonnes. Et nous avons passé deux jours à Debaltzeve en résistant aux boeiviks, mais ce n’étaient plus des séparatistes. J’étais armé avec un SVD ( fusil de précision Dragounov) avec un système de visée de 2000 mètres. Je voyais très bien que nous n’étions plus en train de nous battre avec des gars simples contre lesquels nous nous sommes battus à Kirovsk, mais contre des mecs baraqués qui faisaient 2 mètres avec des uniformes et des armes flambant neufs. Ça se voyait tout de suite que c’était des professionnels. En règle générale et après avoir parlé avec nos garçons qui occupaient d’ autres positions à Debaltzeve, je peux tirer une conclusion que parmi 10 boeiviks, il y a environs 8 Russes et 2 séparatistes locaux.

Une fois, les séparatistes sont tombés sur nos positions, à Debaltzeve. Ils ont cru arriver sur les positions de leurs troupes, mais ils se sont trompés ( car ils ne savaient pas que l’armée ukrainienne étaient à Debaltzeve). C’étaient des habitants du Donbass, mais ils se déplaçaient sur un camion de guerre russe Oural, qui était chargé d’armes. Ces boeiviks ont avoué qu’ils étaient chargés de distribuer les armes aux soldats russes : ils chargeaient les camions et transportaient les armes. Eux-mêmes, ils étaient armés avec des fusils d’assaut de la série AK-10X, qui ne sont pas utilisés par l’armée ukrainienne. En plus, ils portaient les uniformes que portent d’habitude les militaires russes : les tenues de camouflage, surnommées « bouleau russe », ainsi que les uniformes verts avec des sangles noires. Deux heures plus tard, les boeiviks nous ont attaqué avec des chars et ont complètement détruit tous nos véhicules de combat, ainsi que ce camion Oural que nous avions capturé. De toute notre division numéro 14, il n ‘y a que trois personnes qui n’ont pas été touchées. Tous les autres ont été blessés et notre capitaine ( commandant de peloton) a été tué. Personne n’avait l’intention de se rendre, car la plupart de nous étaient des volontaires et les volontaires en captivité ne restent pas vivants longtemps. Donc chacun parmi nous tenait dans une main sa dernière grenade.

C’est le commandant de notre régiment qui nous a sauvés. Il a attiré le feu des mortiers sur lui. Cela a fait reculer notre ennemi et nous a fait gagner 10-15 minutes, durant lesquelles les médecins ont pu venir nous chercher. Il n’y avait que très peu de place dans les ambulances. Donc les corps des défunts ont été placés sur le sol des voitures et les blessés se sont mis par-dessus. C’est ainsi que nous avons été emmenés à l’hôpital d’Artemivsk. Et les gars qui n’ont pas été blessés devaient sortir de l’encerclement eux-mêmes. Bien sûr, si la Russie n’envoyait pas d’armes et de renforts humains aux séparatistes, il n’y aurait plus de guerre. Car les fusils d’assaut de la série AK-10X ne sont pas à vendre dans les supermarchés.

 

Histoire: Daria Prokaza (interview) та Iryna Kovbasa (écriture).

EMPR en français: traduit par Lili des Cévennes, relu par Bernard Grua

Lili des Cévennes

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